• A l'occasion du 23ème festival du film francophone, qui se déroule à Tübingen et à Stuttgart du 1er au 8 novembre, les français Benoît Delépine et Gustave Kervern présentent leur deuxième long-métrage, Avida. Bien connus en France pour leurs prestations au sein de l'émission « Groland » sur Canal +, les deux compères nous offrent un cinéma totalement décalé et d'une profonde intensité. Connexion française s'est entretenu avec un Benoît Delépine fraîchement débarqué à Tübingen, terriblement sympathique et intarissable lorsqu'on aborde le sujet de l'étonnant Avida.


    Connexion française : Commençons par notre question rituelle : quelle est la première chose qui vous vient à l'esprit lorsqu'on vous parle de l'Allemagne ?


    Benoît Delépine : Je dirais que ce sont les cigarettes blondes. Quand j'étais petit, j'allais en vacances en forêt noire, et je me souviens qu'il y avait un distributeur de cigarettes. Je n'en avais jamais vu auparavant. C'est donc cela qui me vient en premier à l'esprit lorsqu'on me parle de l'Allemagne: un distributeur de cigarettes.


    Connexion française : Vous êtes en Allemagne à l'occasion du 23ème festival international du film francophone où vous présentez Avida. Pouvez-vous nous parler un peu de ce film ?


    Benoît Delépine : Je peux même vous en parler très longuement : il y a tant de choses à dire ! Avida est un film particulier. Chacun le perçoit différemment. Certains passent à côté, mais ceux qui le vivent à fond en sont marqués à vie. Je dirais avant tout que c'est un poème sur ce qu'est l'être humain aujourd'hui. Mais expliquer ce film est un exercice très difficile, et ce même pour nous qui l'avons réalisé [Benoît Delépine parle également au nom de Gustave Kervern, co-réalisateur d'Avida, NDLR]. Au début lorsqu'on nous demandait le pitch du film, nous avions beaucoup de mal à l'expliquer. Maintenant, nous donnons ce que nous appelons des « faux pitchs » : par exemple « C'est l'histoire de trois hommes qui tentent d'enlever le chien d'une milliardaire, mais l'affaire tourne mal, et la femme profite d'eux en les manipulant. Comme elle est obèse, elle désire être transportée au sommet de la montagne pour s'y suicider. » Voilà un faux pitch. Parce qu'Avida ce n'est pas cela, c'est un poème plus qu'un film, quelque chose qu'on prend dans la tête.


    Connexion française : Il y a dans ce film une grande dimension sociale. Est-ce que c'était pour vous une nécessité que de baser votre film sur cette thématique ?


    Benoît Delépine : En réalité, la dimension sociale du film a été dépassée par l'interprétation humaine que nous ont donnée nos acteurs. Normalement, Avida est censé se dérouler dans un paradis fiscal, avec d'un côté des gens riches et de l'autre des pauvres qui en viennent à se réfugier sur la montagne. Le film repose donc sur ce fond mais nous avons décidé, aux vues de la performance des acteurs, de ne pas expliciter ce problème social. Il est là comme une sorte de présence sourde, et c'est à chacun de le recevoir. Notre ambition était de faire un film dont personne ne peut donner la signification, puisqu'elle est différente pour chacun.


    Connexion française : Il y a justement une très belle distribution dans ce film, avec des acteurs très éclectiques, de milieux différents, certains grands noms, d'autres en devenir... Comment fait-on pour réunir un tel panel d'artistes autours d'un tel projet ?


    Benoît Delépine : Ce sont des gens dont nous nous sentons proches, même si nous ne les connaissions pas tous forcément. Au départ, nous avons envoyé un script sans dialogue, d'une trentaine de pages, avec les photos des gens que nous voulions avoir dans le film. Ce sont des personnes sur lesquelles nous avions réellement flashé et, à une exception près, tout le monde a dit oui. C'est formidable ! Par exemple la chanteuse Rokia Traoré, que nous avions remarquée lors d'un festival. Nous lui avons proposé Avida, elle a vu le DVD de notre premier film, Aaltra, et elle a accepté. Elle nous a fait, en plus, un cadeau extraordinaire : sa première chanson, qu'elle a retrouvée dans une valise. Pour Claude Chabrol également nous avons eu cette sorte de « flash à distance ». Nous lui avons envoyé le script d'Avida et un exemplaire d'Aaltra. Comme il n'avait pas de lecteur DVD, nous lui en avons envoyé un. Il a regardé le film et il nous a dit « Faites moi faire tout ce que vous voulez ». Pour tous nos acteurs cela s'est passé ainsi, de façon magique.


    Connexion française : Au-delà du fond du film, on remarque une grande recherche esthétique dans la manière dont il est tourné. Est-ce que vous visiez la performance artistique à travers Avida ?


    Benoît Delépine : Etonnamment ce n'était pas notre but, puisque nous nous concentrons principalement sur les gens. Ce qui nous importe, c'est ce qu'ils donnent à l'image. Nous savons que ce que les acteurs ont à nous offrir se fera en une fois, et nous privilégions le plan fixe. C'est, en fait, un dispositif pour mettre les gens à l'aise. Bien entendu, cela nécessite que l'image soit particulièrement travaillée. Nous nous appliquons donc beaucoup sur le cadre. Mais si le film a cette démarche esthétique c'est aussi parce qu'il parle de peinture : nous avons choisi le format carré parce que nous partons de la fenêtre d'une cellule pour finir sur l'image d'un tableau ayant a peu près les mêmes dimensions. L'idée résidait donc dans une volonté esthétique d'arriver à s'en sortit par l'art et la peinture.


    Connexion française : Vous présentez Avida dans un festival international parce que vous pensez que c'est un film qui a vocation à s'exporter ?


    Benoît Delépine : En réalité je n'en sais rien du tout. Aaltra s'était bien exporté, dans une douzaine de pays, au sein de petites distributions. Les belges en particulier ont pris beaucoup de copies. Ils n'auraient pas dû, d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas eu le retour escompté... Il y a eu également quelques copies ici en Allemagne, ainsi qu'en Roumanie. J'aime bien cette idée, plus économique d'ailleurs, qu'il n'y ait que quelques exemplaires qui tournent dans un pays. Cela correspond mieux à l'image du film. Concernant Avida, je ne sais vraiment pas s'il va être bien accueilli internationalement, parce que c'est un film tellement barré ! Je suis incapable de répondre mais ce qui est sûr, c'est que c'est très intéressant pour nous d'aller dans ces festivals. Cela nous permet de nous retrouver, Gustave Kervern et moi, d'observer la réaction du public par rapport au film et de prendre des idées pour le prochain. Nous avons tout à y gagner.


    Connexion française : Pour terminer, quel souvenir garderez-vous de ce séjour en Allemagne ?


    Benoît Delépine : Il m'est difficile de répondre parce que nous venons juste d'arriver à Tübingen. C'est vraiment une très jolie ville. On m'a dit qu'elle était une miraculée de la seconde guerre mondiale ; c'est étonnant... Sinon il y a cette petite dame qui passe devant moi avec un déambulateur, c'est tout à fait charmant !


     


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  • Le Francophonic Festival s'apprête à porter jusqu'à nous le doux air de la musique française. Un mois pour découvrir et redécouvrir des artistes exceptionnels qui traverseront la frontière pour nous taquiner l'oreille. Connexion française a rencontré Nicolas Jeanneté, le directeur de ce festival hors du commun, et retranscrit pour vous les meilleurs moments de cet inépuisable échange avec un passionné.

    Connexion française : Pour ceux qui ne le connaissent pas, pouvez-vous expliquer ce qu'est le Francophonic Festival ?

    Nicolas Jeanneté : C'est le premier et unique festival de musique française en Allemagne. L'idée de sa création nous est venue du constat que le couple franco allemand, qui est si fort politiquement et économiquement, ne l'est pas assez culturellement. Voyageant fréquemment en Allemagne, je me suis aperçu il y a quatre ans que la musique française n'y était pas bien représentée. C'est ainsi que j'ai eu envie de contribuer à exporter la scène française dans ce pays ami et frontalier qu'est l'Allemagne. Avec Jean-Louis Foulquier, nous avons monté les Francofolies de Berlin dans cette optique. Beaucoup d'artistes étaient présents et nous avons constaté une très bonne réceptivité du public et des médias. Nous avons donc organisé une nouvelle édition l'année suivante, à laquelle nous avons ajouté Cologne. Là encore, d'un point de vue médiatique et artistique, ce fut un succès. Et même si nous avons essuyé une perte qui nous a contraints à faire une pause en 2005, nous avons décidé d'organiser une troisième édition cette année avec une nouvelle ville supplémentaire, Munich.

    Connexion française : Quelles sont les nouveautés de cette
    troisième édition ?

    Nicolas Jeanneté : Cette année les spectateurs pourront découvrir un Francophonic Festival quelque peu remanié. Outre le fait qu'il aura lieu pour la première fois dans trois villes, nous avons décidé que les festivités ne se dérouleront plus sur quatre jours successifs, mais sur un mois. D'abord parce que nous avons plus d'artistes, mais aussi parce que nous nous sommes aperçus qu'il est très difficile d'organiser un tel événement dans une grande ville. En règle générale les festivals ont lieu en dehors des villes, le plus souvent l'été, alors que les gens ont du temps. Dans ces conditions les spectateurs achètent des billets groupés et assistent au festival sur trois ou quatre jours consécutifs. Pour nous les choses sont différentes puisque le Francophonic Festival se tient en pleine année scolaire et dans de grandes villes. Lorsqu'il se déroulait sur quelques jours seulement, les spectateurs n'avaient pas le temps d'assister à tous les concerts de leur choix. Nous avons alors décidé de l'organiser sur un mois, avec un ou deux concerts par ville et par semaine, afin que les festivaliers puissent en profiter davantage. Cette année, le festival commencera donc le 23 octobre et se terminera le 25 novembre.

    Connexion française : Pouvez-vous nous présenter les principaux artistes présents cette année ?

    Nicolas Jeanneté : Pour commencer, nous allons faire découvrir au public allemand le groupe français le plus connu d'Europe, celui qui a vendu le plus d'albums : Louise Attaque. Il n'est jamais venu en Allemagne auparavant, si ce n'est dans une école à Fribourg en 2005 pour faire des classes pédagogiques et deux petits concerts. Le groupe s'est séparé pendant cinq ans et est revenu récemment avec un nouvel album, A plus tard crocodile, qui a tout de suite été n°1 des ventes. Nous les avons contactés parce que nous estimons qu'un tel phénomène doit se faire connaître en Allemagne. L'album sortira donc ici en novembre, et le groupe viendra le promouvoir lors d'un concert exclusif à Berlin.

    Notre seconde tête d'affiche est Rachid Taha, que nous invitons cette année à l'occasion de la sortie de son tout dernier album, Diwan 2. Nous l'avions déjà présenté il y a deux ans, après la sortie de Tékitoi, qui était un album résolument raï-rock. Il revient cette fois dans un registre plus traditionnel, avec des chansons superbes, très mélancoliques, qu'il présentera en avant première mondiale au festival. Le public allemand, à Cologne et à Berlin, sera ainsi le premier à entendre sur scène ce nouvel album.

    Notre troisième invitée, Emilie Simon, est un coup de cœur. C'est une artiste extrêmement intéressante, qui a un charme fou. Nous l'avons surnommée « la princesse de l'Electro française ». Les allemands savent qu'elle fait une musique de qualité grâce à la B.O. du film « La Marche de l'empereur », et nous allons leur présenter son dernier album, Végétal. [Cf. Interview d'Emilie Simon pour Connexion française]

    Connexion française : Et pour ce qui est des découvertes ?

    Nicolas Jeanneté : Le Francophonic Festival accueillera également des musiciens de la nouvelle génération indie-pop-rock-electro. Sébastien Tellier tout d'abord, qui est en quelque sorte « le poète parisien ». Il a un parcours étonnant : découvert par Air, dont il a assuré la première partie de la tournée mondiale il y a quelques années, il s'est fait oublier par la suite. Jusqu'à ce qu'il ressorte un album en Angleterre et y devienne n°1. C'est cet album que nous lançons en Allemagne, et Sébastien Tellier le fera découvrir au public au cours de trois concerts à Berlin, Cologne et Munich.

    Nous recevrons également deux groupes d'electro-pop qui ne sont pas encore très connus en France : Sex in Dallas et One-Two. Le premier, composé d'artistes franco-berlinois, joue une musique plus electro que pop et présentera son album pour la première fois. Le second est un duo parisien un peu déjanté dont la démarche est de tourner le dos à cette Pop-electro assez tristounette qu'on voit actuellement. Ils transforment la salle en un véritable dancefloor grâce à leur musique très énergique. Et puis nous accueillerons ausi des filles, Mansfield Tya et Marie Modiano, qui devraient remporter un franc succès en Allemagne. Mansfield Tya est un duo nantais aux superbes balades minimal-folk. Marie Modiano, la fille de Patrick [Ecrivain français émérite, NDLR], a enregistré son disque à Berlin. Elle propose des chansons folks très mélodieuses, qui nous font voyager à travers le monde par le biais de très beaux textes. Les deux albums seront disponibles en Allemagne à l'occasion du festival.

    Enfin, nous présenterons deux jeunes talents de la mouvance electro-pop: Underwires et Lagardère et Lemercier. Nous les avons sélectionnés parmi les nombreux disques que nous recevons chaque année d'artistes qui désirent se produire.

    Nous avons ainsi réuni un panel suffisamment varié pour satisfaire l'ensemble du public. Notre idée est que chacun puisse piocher selon ses goûts dans notre programmation, afin de retrouver ou de découvrir des artistes. Nous privilégions beaucoup cette dimension de découverte.

    Connexion Française : Quels seront les moments forts de cette troisième édition ?

    Nicolas Jeanneté : Je pense que chacun pourra se forger, au cours du festival, ses propres moments forts. Le public trouvera son bonheur dans notre sélection. Ce qu'il y a de particulier avec le Francophonic Festival, c'est le contexte intimiste dans lequel se déroulent les concerts. Louise Attaque, par exemple, sera face à un public de 500 personnes, et non devant 10 ou 20 000 spectateurs comme c'est le cas en France actuellement. De même pour Emilie Simon, qui va jouer à Cologne dans une église et à Munich dans un petit club de 350 places. Quand on connaît sa musique on se rend compte de ce que cela représente, parce qu'elle réalise des sons surprenants avec des instruments qui le sont tout autant. Et cela vaut pour tous nos concerts : le public de Rachid Taha pourra, dans de telles conditions, s'imprégner d'un véritable moment d'exotisme raï. Et pour ceux qui ont envie de danser et de s'éclater, les concerts de One-Two, Sex in Dallas ou Para One se dérouleront dans des lieux plus club... Cette proximité entre un artiste et son public va créer une ambiance dans la salle qui ne peut que constituer un moment fort.

    Connexion Française : En vous replongeant dans les éditions précédentes du Francophonic Festival, quel souvenir vous vient à l'esprit ?

    Nicolas Jeanneté : En tant qu'organisateur et producteur du festival, il m'est impossible de citer un souvenir en particulier. Si je regarde en arrière, je me dis que chaque instant a été extraordinaire. Le plus grand plaisir lorsqu'on est à ma place, c'est de voir une salle remplie d'un public heureux face à un artiste qui se donne à fond. Il arrive, comme ce fut le cas la dernière fois, qu'une véritable osmose se créé entre le public et l'artiste. Exalté par le public allemand, Rachid Taha avait offert un concert de deux heures non-stop. C'est cela, par exemple, qui donne des souvenirs fabuleux.

    Connexion française : Quel message tenez-vous à transmettre aux lecteurs de Connexion française ?

    Nicolas Jeanneté : Venez avec nous vous plonger dans la découverte ! En l'espace de quelques concerts, venez vous imprégner des nouvelles tendances musicales made in France.
    Je vois au moins trois bonnes raisons de participer au Francophonic Festival. La première est la possibilité de voir des stars françaises dans de petites salles. Tout simplement, une place pour Louise Attaque en France coûte 30 ou 40 euros et le concert se déroule devant 10 000 personnes. Ici, le billet vaut 15 euros et le groupe joue dans une salle de 500 places. La seconde raison est l'opportunité d'assister à des concerts exclusifs dont une avant-première mondiale, celle de Rachid Taha. Et enfin, la troisième est la présence de jeunes talents émergeants que nous découvrons en même temps que Paris. Venir au Francophonic Festival, c'est aussi soutenir ces artistes talentueux qui essaient de porter la culture française au-delà des frontières. Ils ne sont pas encore tous connus en France, mais beaucoup d'entre eux sont les stars de demain. Le festival est une occasion unique de les découvrir avant tout le monde.

    Connexion française : Une astuce pour nos internautes?

    Nicolas Jeanneté : Pour faciliter les démarches, nous avons mis en place cette année un système de billetterie électronique. En allant sur le site www.francophonic-festival.de, pour un euro de plus, chacun peut acheter son ticket en ligne. Il recevra alors un numéro de réservation qu'il échangera à la caisse le soir du concert. Les places valent toutes entre 10 et 16 euros, ce qui est très raisonnable. Et la réservation ne coûte, via Internet, qu'1 euro. Alors n'hésitez pas !





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