• Eric Zemmour
    Le premier sexe
    Editions Denoël - Collection Indigne, 2006
    134 pages
    10 euros

    « C'est l'inégalité qui était le moteur traditionnel du désir. La machine séculaire du désir entre l'homme et la femme reposait sur l'admiration de la femme pour celui qui a ce qu'elle n'a pas entre les jambes »
     
    Le livre dont je vais vous parler cette semaine, Le premier sexe, d'Eric Zemmour, est un peu démodé (et c'est heureux) puisqu'il est sorti il y a presque un an. Mais les circonstances m'ayant entraînées à le lire étant particulières, je me suis fait un devoir d'en rédiger la chronique... (je vous épargne la petite histoire, entrons dans le vif du sujet). Est-il encore utile de présenter Eric Zemmour, ce journaliste politique, chroniqueur télé et écrivain qui a sans doute déjà retenu votre attention. En effet, ses discours passent rarement inaperçus. La preuve, s'il en faut, avec ce livre, Le premier sexe, qui a déjà donné lieu à de nombreux débats. C'est que cet essai de 134 pages (paru aux éditions Denoël dans une collection au nom évocateur : Indigne) porte une thèse pour le moins étonnante : selon Eric Zemmour, les problèmes que nous connaissons actuellement proviendraient du phénomène de féminisation de la société survenu au XXème siècle. Tout un programme...
     
    La féminisation de la société, qu'est-ce que c'est ? Littéralement parlant, on pourrait dire qu'il s'agit de la mutation de la société due à la place grandissante de la femme et de ses valeurs en son sein. Pour Eric Zemmour, le premier fautif est l'homme, qui aurait abandonné un peu trop facilement son rôle traditionnel au profit de la femme. Ainsi donc, l'intrusion des valeurs féminines aurait dévirilisé une société traditionnellement tenue par les hommes et désormais perdue. Au long de cinq chapitres sans nom, Eric Zemmour cherche à justifier cette hypothèse par le biais d'anecdotes, d'exemples de toutes sortes, de phrases d'hommes célèbres et de théories de ses confrères.

    La démonstration est simple. Avant, nous vivions dans une société traditionnelle, patriarcale, dominée par les valeurs viriles, et tout était en ordre. Maintenant, nous vivons dans une société dominée par les valeurs féminines, dévirilisée, déstabilisée, désordonnée, et tout va mal. Entre-temps, il y a eu la guerre, la recrudescence de la violence des hommes, puis un mouvement de recherche de la paix, l'immixtion des femmes, le féminisme, l'abdication des hommes , la libéralisation du divorce, l'égalitarisme, la salarisation du travail des femmes, le droit à l'avortement, la perte du rôle de l'homme au sein de la famille, la frustration sexuelle des hommes,... Bref, les valeurs féminines ont investi tous les grands domaines de la vie sociale, du football à la vie politique en passant pas la gestion des entreprises , entraînant un bouleversement des règles d'une société traditionnelle où tout allait droit, et l'émergence d'une société instable où tout le monde est malheureux. Parce que c'est ça la fin de l'Histoire que nous raconte Eric Zemmour. Ne vous attendez pas à une « happy end » : il n'y aura pas de révolution de l'homme parce que, même frustré, il se satisfait de cette situation de déresponsabilisation. Quant à la femme, instrument d'un capitalisme manipulateur, elle est désormais seule et accablée.

    Le moins que l'on puisse dire est que, sur le fond, cet essai appelle constamment à la réaction. Pour ma part, c'était de l'incrédulité à chaque page. Les propos d'Eric Zemmour m'ont très souvent outrée, mais je suis sûre qu'il n'y verrait que la réaction typique d'une « femme moderne » piquée au vif. Forcément, lorsqu'on lit qu'il y aurait une « malédiction féminine » , ou que la féminisation de la société pourrait être à l'origine de la stagnation économique et intellectuelle de l'Europe , il ne saurait en être autrement.
    Pourtant, il y a une qualité incontestable à reconnaître à ce livre : il est très bien écrit. La plume est agréable, incisive, et pourrait être séduisante si elle ne soutenait l'insoutenable... L'auteur sait mêler subtilement sérieux et humour, théories et anecdotes, réalité des choses et interprétation délirante, d'une manière qui rend la lecture de son livre plaisante, marrante, facile. On se dit presque qu'il faudrait lire ses autres livres, romans ou portraits, qui en plus sont réputés très bons. Presque.

    Pour conclure j'aimerai moi aussi raconter une anecdote pour faire un parallèle. Récemment encore je n'avais pas vu le film « Requiem for a dream ». Il est pourtant devenu une référence, et tout le monde en parle. Référence du sordide, du malsain et du mal-être, certes, mais référence quand même. Les gens vous disent de ne pas le voir, parce que trop dur et sans intérêt. Oui mais eux l'ont vu et peuvent participer quand on en parle dans la conversation. C'est la raison pour laquelle j'ai fini par voir ce film, qui n'était pas si terrible d'ailleurs. Et c'est la raison pour laquelle vous pouvez lire, si vous êtes courageux, Le premier sexe : pour avoir toute légitimité à en parler (mais n'en abusez pas quand même...).


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