• Dictionnaire des juristes du XIXème  siècle.

    CORMENIN, Louis-Marie de La Haye, Vicomte de

    I. ETAT CIVIL

    NAISSANCE : 06 janvier 1788 - Paris[1]                                                               

    MORT : 06 mai 1868 - Paris

    TITRE NOBILIAIRE / DECORATIONS :

    Le 11 avril 1818, Louis-Marie de Cormenin reçut du roi Louis XVIII, par lettres patentes, le titre de baron héréditaire, ainsi que celui de chevalier de la Légion d'honneur. Le 22 juin 1826, Charles X l'autorisa, par lettres patentes également, à créer un majorat héréditaire avec le titre de vicomte[2] et le fit officier de la Légion d'honneur.

    Mais, en 1830, devenu radical, Cormenin s'empressa de renoncer publiquement à ses titres, et de révoquer son majorat.

    Puis, le 30 août 1865, il fut nommé commandeur de la Légion d'honneur par Napoléon III.

    En outre, à la suite de la publication de son pamphlet intitulé Feu ! Feu ! en 1845, le Saint-Père lui envoya des félicitations, le nomma commandeur de l'Ordre de Saint-Georges et lui attribua la croix de commandeur de Grégoire-le-Grand. La même année, il reçut en Espagne la croix de Charles III grâce à la divulgation de ses idées sur l'instruction publique.[3]

    RELIGION / FRANC-MACONNERIE :

    Louis-Marie de Cormenin était catholique de par sa naissance et son éducation. Il fut animé toute sa vie par une foi ardente et constante[4]. Ses conceptions religieuses se combinaient parfaitement dans son esprit avec ses convictions démocratiques.

    Il faisait partie d'une minorité catholique, qui se développait au XIXème siècle, et qui prônait la conciliation des principes religieux et révolutionnaires. L'Eglise ne cautionnait pas ce mouvement, mais Cormenin, prototype du démocrate-chrétien, soutînt invariablement la même thèse, qu'il exprimait publiquement à travers ses pamphlets, allant jusqu'à s'opposer également à ses confrères de l'Assemblée nationale à plusieurs reprises[5]. En effet, ses conceptions s'opposaient à le doctrine officielle du gouvernement, de tradition gallicane, qui visait à sauvegarder la suprématie du pouvoir civil en constituant une sorte de compromis  entre le catholicisme et la souveraineté de l'Etat, et dont Dupin aîné était le représentant. Cormenin s'y opposait en ce que sa religion intransigeante faisait de lui un ultramontain, comme Lamennais et ses disciples. Ainsi, refusant irrémédiablement de permettre la moindre atteinte au pouvoir spirituel, Cormenin entra dans de violentes querelles qui aboutirent à le séparer de ses amis républicains.

    En outre, Cormenin fut un modèle de catholicisme social. Il estimait que la charité chrétienne était le seul remède à la misère. Il se préoccupait sans cesse du sort de la classe populaire, tentant de l'instruire par des écrits[6], louant les bienfaisants et toutes les initiatives charitables, et agissant lui-même activement en ce sens[7].

    ORIGINE / PARENTE / ALLIANCE :

    Louis-Marie de Cormenin était issu d'une ancienne famille de robe de la Bresse (Franche-Comté), établie dans l'Orléanais depuis trois générations. Leur château était situé près de Montargis, dans les terres d'Avrolles et de Champlay.

    Le grand-père de Cormenin, Pierre-Joseph de la Haye[8], fut lieutenant général de l'Amirauté de France. En 1789, il prit part à l'assemblée de la noblesse à Montargis et signa dans son cahier diverses demandes de réformes, notamment la suppression de la Loterie[9].

    Le père de Cormenin, Marie-Francois-Joseph, fut également lieutenant général de l'Amirauté de France, de 1777 à 1784, puis maître des Comptes en 1785. La même année, il se mariât à Victoire-Henriette Foacier, fille d'un receveur général des fermes du département d'Alençon. Ils eurent quatre enfants, dont Louis-Marie était l'aîné et le seul garçon. La seconde sœur de Cormenin mourut  en bas âge ; les deux autres se marièrent, l'une à un receveur des finances, l'autre à un pair.

    Le 5 février 1788, Louis-Marie de Cormenin fut baptisé dans la chapelle de son éminent parrain, le duc de Penthièvre[10]. Sa marraine, quant à elle, n'était autre que la princesse de Lamballe, célèbre confidente de Marie-Antoinette[11].

    Cormenin épousa, le 14 novembre 1819, sa cousine Justine Gillet, fille d'un notaire parisien. Le roi Louis XVIII signa à leur contrat de mariage.

    Le 26 mai 1821 naquit leur fils unique, Francois-Louis-Justin-Eugène, qui marquera quelque peu son passage dans la littérature française du XIXème siècle en tant qu'admirateur et très bon imitateur de Théophile Gautier. Il fut également poète à l'Évènement, le journal de Victor Hugo[12]. Directeur du Moniteur officiel en 1852, il n'y dirigea rien et fut remplacé par Turgan. Il décéda le 20 novembre 1866, laissant un fils qui, deux ans plus tard, à la mort de Cormenin, devint à dix ans l'unique héritier du nom.

    RELATIONS :

    Louis-Marie de Cormenin fut d'abord poète et, de ce fait, ses premiers amis d'influence étaient du monde des Lettres. Ainsi, il se perfectionna en littérature aux côtés de Villemain[13], qui sera Ministre de l'Instruction publique en 1839, et sous l'habile direction de Jean-François Laya[14], membre de l'Académie française et père de la fameuse pièce L'ami des Lois[15].

    Mais il abandonna très vite ces débuts poétiques pour se consacrer au monde politique et, présent dans les sphères de l'Etat pendant près de cinquante ans, que ce soit au Conseil d'Etat ou à l'Assemblée nationale, il en vint à côtoyer de près tous les grands noms de la Restauration et de la Monarchie de juillet. L'un des ses plus fameux ouvrages, le Livre des orateurs, est composé des portraits de tous ceux qui pesèrent alors en politique : on y trouve par exemple les descriptions de Thiers, Lamartine, Dupin, Sauzet, Odilon-Barrot ou encore Casimir Périer. Cormenin connaissait personnellement la presque totalité d'entre eux de part sa qualité de député. Mais il était homme de polémique, et se retrouva en guerre ouverte avec nombre de ses confrères. Il en fut ainsi avec Casimir Périer, par exemple. Mais Cormenin resta toujours parfaitement neutre et objectif dans l'élaboration de ses portraits d'orateurs. Il fit même l'éloge d'hommes qui l'avaient criblé de sarcasmes, tels Odilon-Barrot ou Tocqueville.

    A cause de ses très fortes convictions religieuses, Cormenin se fâchât avec tous ses confrères républicains. En 1844, la scission devint définitive lorsque, par ses pamphlets[16], il défendît ardemment le cardinal de Bonald, contre lequel le Conseil d'Etat avait fait une déclaration d'abus[17]. Selon Paul Baudis, « Cormenin fut désavoué par tous ses anciens amis, qui lui firent grief d'abandonner la cause de la liberté pour s'enrôler sous la bannière de l'Église ( ...) On rappelait la versatilité de ses opinions successives, en remontant de plusieurs décades en arrière. On soulignait son besoin de la publicité et son amour de la gloriole. Du côté catholique, d'autres stigmatisaient son insubordination foncière et ses convictions démocratiques (...). On le représentait comme un isolé et comme un égaré. »[18]

    Mais il entretînt une amitié profonde et durable avec Pagnerre, son éditeur, qui publia tous ses ouvrages et pamphlets, même les plus contestés, à partir de 1834.

    TRAITS DE CARACTERE :

    La principale caractéristique de Louis-Marie de Cormenin est d'avoir fait de sa vie une série de contradictions : au départ très bonapartiste, s'étant fait connaître auprès de l'empereur suite à une ode qui lui était adressée, il se rallia pourtant aux rois légitimes dès après la Restauration. Puis, à partir de 1828, devenu fortement guidé par des idées libérales, il pourchassa sans pitié le monarque de Juillet et sa famille, et devint très populaire par ses multiples pamphlets. Pourtant, il s'attira les foudres de ses homologues en militant pour l'indépendance du clergé, et en s'opposant à eux sur l'université et à la liberté de pensée. De même, président du comité chargé de rédiger la constitution de 1848, il démolit dans un pamphlet le projet presque achevé, créant l'indignation de ses collègues et se voyant contraint, exécuté en pleine séance, de prendre la porte.

    Mais ce caractère contradictoire ne concernait pas uniquement le domaine de la vie politique[19]. Car Cormenin, très virulent pamphlétaire, prônant toujours plus de publicité et de transparence, n'hésitant pas à citer les personnes en les incriminant, n'a signé de son nom que très peu de ses écrits. En effet, il prit le pseudonyme de Timon[20] dès 1837, et signa de ce nom la presque totalité de ses pamphlets. Ceux là même qu'il s'attacha manifestement à retirer de la circulation dans les dernières années de sa vie, leur souvenir lui étant opportun.

    En outre, aussi brillant pamphlétaire qu'il fut, Cormenin était un piètre orateur. Si on le dit imagé, spirituel et abondant dans les discussions privées, il devenait muet devant le public.

    Ainsi, il n'apparut que rarement à la tribune, ce qui ne l'empêcha pas d'y faire plusieurs fois reculer ses adversaires grâce à ses écrits[21].

    Sa physionomie grave, sévère et réfléchie[22] n'en faisait pas moins un homme d'une extrême charité. A partir de 1860, il se consacra exclusivement à des œuvres de bienfaisances. Ainsi, il publia au Moniteur des rapports annuels sur la distribution de bains gratuits aux indigents de Paris, s'intéressa à la création d'ouvroirs pour les vieilles femmes pauvres, à l'œuvre de la couture pour les jeunes filles des campagnes. Il contribua également à l'œuvre des dernières prières, ou encore aux secours des vieillards par les enfants faisant leur première communion, et la liste est loin d'être exhaustive. Louis-Marie de Cormenin était également d'une grande générosité ; Lorsqu'il démissionna de son poste de Conseiller d'Etat en 1830, il envoya au Ministère 500 francs pour l'équipement des gardes nationaux ; le produit de la vente de ses pamphlets sur la liste civile fut employé par lui en œuvres de bienfaisance et, en 1845, il fit don à la ville de Montargis de 5oo francs de rente sur l'Etat pour la fondation d'un prix de vertu. Le dernier projet de sa vie fut d'élever une chapelle à l'entrée des catacombes de Paris. Il avait obtenu pour cela le soutien de l'archevêque et du ministre des cultes, mais décéda avant de ne voir s'élever ce temple à la mémoire des morts.

    II. VIE PROFESSIONNELLE

    ETUDES :

    1. secondaires :

    A l'âge de 12 ans, Louis-Marie de Cormenin fut envoyé à Paris afin de faire ses études au sein de l'une des écoles centrales créées par la Convention : le Collège Louis-Le-Grand. Cet établissement ne comportant pas d'internat, Cormenin était alors pensionnaire chez M. Lepître.

    En 1802, les écoles centrales furent remplacées par les lycées, et Cormenin obtint, au Concours général des Lycées impériaux, un prix de logique et un accessit de discours français.

    2. supérieures :

    Ses classes terminées, il poursuivit ses études à l'Ecole de droit et fut reçu avocat en 1808.

    ACTIVITES :

    2. Pratique :

    Cormenin se détourna très vite du barreau et ne plaida jamais. Selon Paul Bastid, « l'idée de se faire inscrire au barreau était chez Cormenin singulière, car toute sa vie il devait rester une sorte d'infirme de la parole. L'élocution devant un public, quel qu'il fût, le rendait indigent et malheureux »[23].

    3. Politique :

    La carrière politique de Louis-Marie de Cormenin débuta le 19 janvier 1810 lorsque, pour le remercier d'une Ode écrite en sa faveur,  Napoléon 1er le fit auditeur au Conseil d'État. Le 4 mars, il fut attaché à la section de législation, puis au comité du contentieux[24]. Il fut également employé comme sous-préfet à Villeneuve d'Agen (14 janvier 1811), à Tarragone ( 7 février 1812) et à Château-Thierry (8 avril 1813). Commissaire pour le recrutement et les subsistances dans le sud-ouest pendant les années 1813-1814[25], Cormenin était alors très bonapartiste.

    Pourtant, après la Restauration du 6 avril 1814, il se rallia aux rois légitimes et fut nommé maître des requêtes surnuméraires le 5 juillet 1814, dès la reconstitution du Conseil d'Etat.

    Pendant les « Cents Jours », il démissionna et s'engagea comme volontaire. Puis il se retrouva à nouveau au Conseil d'État après la Seconde Restauration du 22 juin 1815, et fut nommé maître des requêtes le 24 août. Cormenin était alors, de notoriété publique, légitimiste (mais non ultra).

    En 1828, le roi Charles X, rendu impopulaire par le ministère Villèle, dissout la chambre. Mais les élections du 28 avril furent favorable à l'opposition, et marquèrent le commencement de la carrière parlementaire de Cormenin, élu député d'Orléans.

    Siégeant en centre gauche, il se fit alors remarquer en professant un grand libéralisme, prenant la parole sur le Conseil d'État, la politique étrangère, le défense des finances publiques, la diffusion de l'instruction primaire, les délits de presse ou encore l'abolition des sinécures et du cumul.

    Le 18 mars 1830, il fut l'un des 221 à signer la protestation contre l'essor orléaniste, et, après la dissolution de la Chambre le 16 mai, il fut réélu par les électeurs d'Orléans le 12 juillet.

    Bien qu'il eût approuvé la Révolution de juillet, il démissionna de son poste au Conseil d'État et de son siège à la Chambre dans une lettre datée du 12 août 1830, ne voulant se faire complice d'une usurpation et déclarant que ses électeurs ne lui avaient pas donné de mandat constituant. Il alla alors s'enfermer à Lille en qualité de volontaire.

    Pourtant, le 28 octobre 1830, il se présenta à ses anciens électeurs du Loiret, mais ne fut pas réélu.

    Cette déveine fut de courte durée puisque, se présentant à nouveau le 5 juillet 1831, il fut élu dans quatre collèges. Il opta pour Belley et, siégeant à l'extrême gauche, il vota invariablement contre le pouvoir.

    Le 21 juin 1834, élu par deux arrondissement, il choisit Joigny, qui lui renouvela son mandat les 4 novembre 1837 et 9 juillet 1842. Mais le 1er août 1846, à cause de l'impopularité due à ses brochures, il perdit son siège.

    Cormenin vécut la Révolution de 1848 comme son œuvre. Il fut nommé Conseiller d'État le 28 février, quatre jours après que le peuple ait proclamé la République, puis vice-président de ce même Conseil le lendemain. Alors chargé de préparer la loi électorale (Loi du 5 mars 1848), il y introduisit le suffrage universel.

    Lors des élections du 23 avril 1848, qui devaient déterminer les membres de l'Assemblée constituante, quatre départements nommèrent Cormenin représentant du peuple. Il opta alors pour le département de la Seine et siégea à droite, parmi les conservateurs[26].

    Puis, lorsqu'on forma la commission chargée de rédiger la nouvelle constitution, on se souvint de se haute compétence en matière de législation et de droit administratif, et on le nomma président. Dans ce cadre, il proposa et rédigea les principaux articles du futur texte constitutionnel, notamment ceux traitant du suffrage universel et du maintient de la Légion d'honneur.

    Mais des conflits avec les membres de cette commission amenèrent Cormenin à démissionner de la Présidence. Pourtant, même après cela, il continua à se battre, en vain,  afin d'obtenir que la nouvelle constitution soit soumise à la ratification du peuple.

    Suite à cela, il présida le Conseil d'État jusqu'au 11 avril 1849, où ce corps fut reconstitué par voix d'élections parlementaires.

    Puis, ayant été réélu en ce Conseil par l'Assemblée législative le 18 avril, il donna sa démission de représentant le 20. D'abord président de la section du contentieux, il passa ensuite, comme conseiller, à la section des finances.

    Après le coup d'État de Napoléon III le 2 décembre 1851, il démissionna de son poste de député. Il protestait alors au nom de la constitution de 1848, dont il était l'auteur principal.

    Mais, s'inclinant finalement devant « le vœu populaire », il accepta le 31 juillet 1852 un poste au nouveau Conseil d'Etat de l'Empire, dans la section de l'Intérieur, de l'Instruction publique et des Cultes[27], où il resta jusqu'à sa mort..

    4. Arts et Lettres :

    Dès qu'il fut en âge de s'intéresser à la littérature, Cormenin se tourna vers les poètes grecs. Il lut avec application leurs œuvres, et particulièrement celles d'Homère.

    Perfectionnant son éducation littéraire avec MM. Laya et Villemain, il se mit très vite à composer des rimes et, en 1810, c'est grâce à l'une de ses Odes en faveur de Napoléon que ce dernier le fit auditeur au Conseil d'Etat. Bien qu'il fut très appliqué dans ces fonctions, il continua à rédiger des poèmes, qui furent bientôt publiés dans le Mercure de France.

    En effet en mars 1812, ce journal rendit publics des vers de Cormenin adressés à la nymphe de Blanduses. Dès 1813 l'Almanach des Muses, dans sa 49ème édition, reproduisit ce poème en l'intitulant Adieux de Gallus à la nymphe de Blanduses. Ce fut un franc succès. M.Dussault en rendit compte dans le Moniteur et M. Rolle en fit l'éloge[28]. 

    Puis, dans les éditions des 8 et 22 août 1812, le Mercure publia encore deux autres créations de Cormenin : Le Vieillard polonais et L'ombre de Sobieski.

    Par la suite, quelques poésies furent encore éditées, plus généralement sous forme de recueils réunissant plusieurs d'entre elles, tels Odes héroïques, en 1813, composé de l'Ode sur les victoires de Lutzen et de Vurtchen, de l'Ode sur la naissance du roi de Rome et de l'Ode aux muses, ou encore Odes, en 1813 également, qui comprend l'Ode sur les victoires de Lutzen et de Vurtchen et l'Adieu de Gallus à la nymphe de Blanduses.

    Mais il abandonna très vite, malgré son succès, cette forme de littérature. En effet il ne reste trace, après 1813, que d'un unique poème, l'Adieu à Valence, composé pendant les voyages qu'il fit en Espagne en 1844[29].

    En fait, il se consacrait alors à la rédaction d'ouvrages plus pragmatiques, rédigeant des traités de droit administratif et des réflexions sur les institutions administratives. En 1822, son ouvrage Questions de droit administratif le fit connaître de tous. Cormenin y avait rassemblé le premier les éléments épars du droit administratif, perdus dans les archives du Conseil d'Etat, et qu'il avait lui-même contribué à établir comme rapporteur. Les règles et aphorismes du droit administratif, ainsi dégagés par Cormenin, prirent le caractère et la forme d'une véritable science[30].

    En 1834, Cormenin eut l'idée de concevoir des dialogues, qui, s'adressant au peuple, abordaient de manière simplifiée des sujets apparemment complexes. Ces Dialogues de maître Pierre constituèrent la matière principale d' Entretiens de village, l'un des plus beau succès de Cormenin, qui reçut à ce titre le prix Montyon en 1847.

    Mais c'est un autre genre de littérature encore qui apporta à Louis-Marie de Cormenin sa grande renommée et dans lequel il excellait particulièrement : le pamphlet[31]. A partir des années 1830, et ce pendant 20 ans, il ne cessa de faire paraître une nouvelle brochure incisive à chaque fait politique auquel il s'opposait. Ce qui faisait la force de ses pamphlets ne résidait pourtant pas dans la qualité artistique, mais dans la forme. Il s'agissait alors d'analyses méthodiques, ponctuées de calculs détaillés, de raisonnements logiques discréditant les arguments adverses[32].

    Dans cette optique, nombre de ces écrits firent échec aux projets auxquels ils s'opposaient et, bien que ne s'exprimant que très rarement à la tribune, Cormenin pesait beaucoup en politique de par ses pamphlets. 

    5. Sociétés savantes :

    En 1832, Louis-Marie de Cormenin était vice-président de l'Association pour l'instruction gratuite du peuple. Le duc de Choiseul-Praslin, pair de France, présidait le comité de tête de cette association, dont Auguste Comte faisait également partie. Plus tard elle prit le titre d'Association libre pour l'éducation du peuple[33].

    En 1832 également, Cormenin faisait partie d'une Commission de secours pour les détenus patriotes. Il s'agissait entre autres de visiter les prisons pour adoucir le sort des condamnés politiques. Cette commission fut plus tard absorbée par la grande Association républicaine pour la défense de la liberté de la presse patriote et de la liberté individuelle, dont le rôle fut considérable[34]. Mais en 1834, une loi restreint la liberté d'association[35], et les lois de septembre 1835 empêchèrent le libre exercice de la presse indépendante. L'Association en faveur de la liberté de la presse et l'Association pour l'éducation du peuple furent dissoutes.

    En outre, Louis-Marie de Cormenin désirait fortement faire partie de l'Académie des sciences morales et politiques. Le 25 octobre 1845, le Moniteur annonça sa candidature pour la section de législation au siège de Berriat Saint-Prix. Mais il avait alors de nombreux concurrents et échoua.

    Par le décret du 14 avril 1855, Louis-Napoléon Bonaparte, désireux de mettre la main sur l'Institut, créa au sein de l'Académie une nouvelle section qu'il dénomma « Politique, Administration, Finances ». Par le même décret il en nomma lui-même les titulaires, dont Cormenin. Mais cette section ne dura pas : un décret du 9 mai 1866 la supprima, et ses membres furent répartis entre les cinq autres. Cormenin se retrouva ainsi à la section de morale.

    6. Collaboration à des revues :

    Louis-Marie de Cormenin, en écrivain prodigue, eut une grande activité au sein de nombreuses Revues. Parmi les publications auxquelles il a collaboré activement, on peut citer la Nouvelle Minerve, le Populaire, le Bons Sens, la Thémis, La Gazette des Tribunaux ou encore le Courrier français.

    Il écrivit également pour le National, la Revue indépendante, la Revue de législation et de jurisprudence, la Revue critique de la jurisprudence en matière civile, administrative, commerciale et criminelle, les Annales de la charité, les Débats et, occasionnellement le Moniteur.

    Il contribua également au Dictionnaire politique, au Dictionnaire de la conversation et au Livre des Cent et Un.

    INTERNATIONAL :

    Cormenin se fit très vite, en tant qu'écrivain, une réputation internationale. Dès 1832, ses pamphlets furent publiés à l'étranger, telle sa Lettre sur la session de 1831, « Aide toi, le ciel t'aidera », à Colmar[36]. Ses ouvrages et ses brochures furent traduits dans de nombreuses langues. Ainsi, le Livre des orateurs parut  en italien, en anglais, en allemands et en espagnol.

    Cormenin voyagea peu[37], mais il s'intéressa beaucoup à la politique étrangère, en particulier à la fin de sa vie.  Ainsi, il s'éleva contre l'extension inconsidérée des conquêtes algériennes, et contre la diplomatie pratiquée par l'Empereur à l'égard de la Prusse, du Mexique, ou encore de la Cochinchine. Il critiqua également l'attitude du gouvernement dans l'affaire du Luxembourg, et s'indigna de l'attitude française en Chine.

    Mais c'est contre la politique italienne et le sacrifice de la Papauté qu'il s'insurge le plus. Pour lui, la France a méconnu les droits et le rôle du Saint-Siège.

    III. PUBLICATIONS

    OUVRAGES :

    Du Conseil d'État envisagé comme conseil et comme juridiction dans  notre monarchie constitutionnelle, Pillet, Paris, 1818, 238 pages.

    De la responsabilité des agents du gouvernement  et des garanties des citoyens contre les décisions de l'autorité administrative, Baudouin frères, Paris, 1819, 58 pages.

    Questions de droit administratif, Ridler, Paris, 1822, 2 vol.

    Lettres de M. de Cormenin sur la charte et sur la pairie, et réponse de M. Deveaux et Kératry ; suivies du titre III de la constitution de 1791 sur les assemblées primaires, Sétier, Paris, 1828, 3 parties en 1 vol.

    Lettres complètes de M. de Cormenin sur la charte, la pairie et la liste civile ; suivies de ses réponses à MM de Shonen et Casimir Périer, et du bilan du 13 mars, 8ème éd., Sétier, Paris, 1832, 4 parties en 1 vol.

    Aide toi, le ciel t'aidera, les trois dialogues de maître Pierre, Paulin, Paris, 1833, 16 pages.

    Dialogues de maître Pierre, Pagnerre, Paris, 1834, 186 pages.

    Dialogues politiques de maître Pierre, 2ème éd., Pagnerre, Paris, 1835, 65 pages.

    Dialogues utilitaires de maître Pierre, 2ème éd., Pagnerre, Paris, 1835, 144 pages.

    Etude sur les orateurs parlementaires, au bureau de la Nouvelle Minerve, Paris,1836.

    Etude sur les orateurs parlementaires, 2ème éd., Pagnerre, Paris, 1837, 336 pages.

    Lettres sur la liste civile et sur l'apanage ; suivies d' Un mot sur le pamphlet de police intitulé « La liste civile dévoilée » et d'un Conclusum, 20ème éd., Pagnerre, Paris, 1837, 223 pages.

    Loi sur l'administration municipale, Recueil contenant les ordonnances et circulaires relatives à la loi du 18 juillet 1837 sur l'administration municipale et un exposé de principes de législation et des règles de jurisprudence administratives et judiciaires qui président à l'administration des communes, Paris, P.Dupont, 1838, 119 pages.

    De la Centralisation, Pagnerre, Paris, 1842, 159 pages

    Livre des orateurs, 11ème éd., Pagnerre, Paris, 1842, 576 pages.

    Droit administratif, 5ème édition, revue et augmentée,  Pagnerre, Thorel, Paris, 1840.

    Entretiens de village, Pagnerre, Paris, 1845, 296 pages, J.-B. de Mortier, Bruxelles, 1846, 252 pages.

    Le Maire de village, Pagnerre, Paris, 1847, 95 pages.

    L'Education et l'Enseignement en matière d'instruction secondaire, Pagnerre, Paris, 1847, 127 pages.

    Le Droit de tonnage en Algérie, Bastide, Alger, 1860, 35 pages.

    L'Algérie et ses relations extérieures, par l'auteur du « Droit de tonnage en Algérie », Bastide, Alger ; Challamel, Paris, 1860, 34 pages.

    Livre des orateurs [18ème édition augmentée de portraits inédits (et d'une notice sur l'auteur par Louandre)], Pagnerre, Paris, 1869, 2 vol.

    Pamphlets anciens et nouveaux, Pagnerre, Paris, 1870, 444 pages.

    Des juges ! Des juges !, V. Palmé, Paris, 1880.

    Le Maître d'Ecole, Pagnerre, Paris, s.d., 14 pages.

    Napoléon et la liberté, Prévot, Paris, s.d., 4 pages.

    Pamphlets :

    Lettre sur le pouvoir constituant, Sétier, Paris, 1831, 4 pages.

    Lettre politique de M.  de Cormenin, sur la liste civile, Sétier, Paris,1831, 26 pages.

    Deuxième lettre politique de M. de Cormenin, sur la liste civile, Sétier, Paris,1831, 51 pages.

    Réponse de M. de Cormenin à la lettre de MM. Kératry et Devaux, impr. Sétier, Paris, 1831, 8 pages.

    Lettre sur la session de 1831, Paulin, Paris, 1832, 38 pages.

    Troisième lettre politique de M. de Cormenin sur la liste civile, 2ème èd., Sétier, Paris, 1832, 42 pages.

    Aide toi, le ciel t'aidera. Lettre sur la session de 1831, par M. de Cormenin, Paulin, Paris, 1832, 28 pages.

    Très humbles remontrances de Timon au sujet d'une compensation d'un nouveau genre que la liste civile prétend établir entre quatre millions qu'elle doit au trésor et quatre millions que le trésor ne lui doit pas, Pagnerre, Paris, 1832, 58 pages.

    Réponse de M. de Cormenin à M. le Président du Conseil des ministres, sur la liste civile, Paris, Sétier, 1832, 24 pages.

    Réponse à M. de Shonen, Sétier, Paris, 1832, 7 pages.

    Lettre MM. De Saint –Roman et de Cormenin sur la souveraineté du peuple, impr. Casimir, Paris, 1832, 133 pages.


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