• Mike Davis - Au delà de Blade Runner

     


    "LA CITE DES ANGES" DECHUE

    MIKE DAVIS
    Au delà de Blade Runner, Los Angeles et l'imagination du désastre
    EDITIONS ALLIA, janvier 2006 (pour la traduction française)
    154 pages
    6 euros 10

    Blade Runner n'est pas tant le futur d'une ville que le fantôme des rêveries du passé

    Comment est-il possible d'en arriver là ? C'est la question que l'on se pose irrémédiablement tout au long de la lecture de cette étude du déclin politique, social et urbain de Los Angeles. La réponse apportée par Mike Davis plonge le lecteur dans une réflexion perplexe sur l'avenir de la civilisation moderne. Pour lui en effet, l'addition de la politique absurde des pouvoirs publics et du soutien que leur fournit une population maintenue dans un climat de peur constante a précipité L.A. dans un gouffre insurmontable. Le résultat en est, sous sa plume, la peinture décrépie d'une ville autrefois mythique et devenue un "exemple" à fuir impérativement.

    Cet essai, publié par les éditions Allia au début de l'année, ne représente en réalité qu'une petite partie d'une étude plus vaste, Ecologie of fear, parue aux Etats-Unis en 1998. Malheureusement, pour ceux qui ne peuvent la lire dans le texte, il faudra se contenter de la traduction de ce chapitre 7, Au delà de Blade Runner, Los Angeles ou l'imagination du désastre.
    Si l'auteur fait référence au célèbre film de Ridley Scott Blade Runner (1982), c'est pour montrer à quel point la vision du futur qui s'y trouve est idéalisée. Pour Mike Davis, la réalité à venir est bien pire, et pour se l'imaginer il suffit de pousser jusqu'à leur terme logique les tendances du désastre aujourd'hui à l'œuvre. Pour se faire, il extirpe de l'histoire contemporaine de L.A. les évènements les plus aberrants, en terme de vie politique et sociale, afin d'analyser à travers eux le déclin de "La Cité des Anges". Ainsi, en respectant un schéma urbain bien déterminé, il balade son lecteur du centre-ville jusqu'à la planète Mars, s'arrêtant à tous les stades intermédiaires où pullulent les incohérences du système.

    A travers des chiffres et des faits, Mike Davis explique les tenants et les aboutissants du mal qui ronge la ville, et qui semble-t-il est contagieux. Obsession sécuritaire, tendance à la militarisation, misère sociale, désespoir économique, décisions absurdes des pouvoirs publics, abus caractérisées, restriction des libertés individuelles, criminalité... autant de symptômes avérés dont on ne peut nier qu'ils se propagent et nous atteignent.
    En mêlant ses explications fondamentales aux anecdotes qui s'y rapportent, Mike Davis donne à son lecteur de quoi se poser sérieusement des questions sur le déclin de la démocratie "à l'américaine", potentiellement exportable. On croit rêver.

    Extrait: Hollywood a récemment mis en place la première "zone de surveillance vidéo" officielle (...) Pendant ce temps, le légendaire panneau Hollywood est protégé contre les vandales et les randonneurs par le dernier cri des détecteurs de mouvement et des caméras infrarouges avec zoom déclenché par radar. "Les images des intrus sont conservées sur disque dur pour servir de preuves et les gardiens du parc de la ville sont alertés. Ensuite des haut-parleurs annoncent aux contrevenants qu'ils sont observés et que les autorités sont en chemin."


    Nul doute que cet essai fataliste apportera à ceux qui tentent de raisonner sur l'avenir de nos systèmes politiques de quoi alimenter leur propos. Mais il ne s'agit pas d'un pamphlet. Mike Davis ne vise personne directement, ne porte aucun jugement personnel, n'attribue pas de responsabilité, ne propose pas de solution. Les conclusions se tirent d'elles-mêmes. Son examen presque scientifique de la situation brosse le portrait du côté sombre de Los Angeles grâce à des faits, des chiffres, des schémas, des photos, des tableaux et une analyse précise de l'ensemble. Si certaines phrases longues et complexes peuvent ralentir un lecteur fatigué, l'enchaînement de dix chapitres aux thèmes variés mène sans effort à une conclusion en pointillés. Le livre se poursuit sans nous mais sa démonstration reste, et avec elle cette terrifiante question: Et nous, où allons nous ?


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