• Benoît Delépine à vie ! Da ! Interview pour Connexion française du 7 novembre 2006



    A l'occasion du 23ème festival du film francophone, qui se déroule à Tübingen et à Stuttgart du 1er au 8 novembre, les français Benoît Delépine et Gustave Kervern présentent leur deuxième long-métrage, Avida. Bien connus en France pour leurs prestations au sein de l'émission « Groland » sur Canal +, les deux compères nous offrent un cinéma totalement décalé et d'une profonde intensité. Connexion française s'est entretenu avec un Benoît Delépine fraîchement débarqué à Tübingen, terriblement sympathique et intarissable lorsqu'on aborde le sujet de l'étonnant Avida.


    Connexion française : Commençons par notre question rituelle : quelle est la première chose qui vous vient à l'esprit lorsqu'on vous parle de l'Allemagne ?


    Benoît Delépine : Je dirais que ce sont les cigarettes blondes. Quand j'étais petit, j'allais en vacances en forêt noire, et je me souviens qu'il y avait un distributeur de cigarettes. Je n'en avais jamais vu auparavant. C'est donc cela qui me vient en premier à l'esprit lorsqu'on me parle de l'Allemagne: un distributeur de cigarettes.


    Connexion française : Vous êtes en Allemagne à l'occasion du 23ème festival international du film francophone où vous présentez Avida. Pouvez-vous nous parler un peu de ce film ?


    Benoît Delépine : Je peux même vous en parler très longuement : il y a tant de choses à dire ! Avida est un film particulier. Chacun le perçoit différemment. Certains passent à côté, mais ceux qui le vivent à fond en sont marqués à vie. Je dirais avant tout que c'est un poème sur ce qu'est l'être humain aujourd'hui. Mais expliquer ce film est un exercice très difficile, et ce même pour nous qui l'avons réalisé [Benoît Delépine parle également au nom de Gustave Kervern, co-réalisateur d'Avida, NDLR]. Au début lorsqu'on nous demandait le pitch du film, nous avions beaucoup de mal à l'expliquer. Maintenant, nous donnons ce que nous appelons des « faux pitchs » : par exemple « C'est l'histoire de trois hommes qui tentent d'enlever le chien d'une milliardaire, mais l'affaire tourne mal, et la femme profite d'eux en les manipulant. Comme elle est obèse, elle désire être transportée au sommet de la montagne pour s'y suicider. » Voilà un faux pitch. Parce qu'Avida ce n'est pas cela, c'est un poème plus qu'un film, quelque chose qu'on prend dans la tête.


    Connexion française : Il y a dans ce film une grande dimension sociale. Est-ce que c'était pour vous une nécessité que de baser votre film sur cette thématique ?


    Benoît Delépine : En réalité, la dimension sociale du film a été dépassée par l'interprétation humaine que nous ont donnée nos acteurs. Normalement, Avida est censé se dérouler dans un paradis fiscal, avec d'un côté des gens riches et de l'autre des pauvres qui en viennent à se réfugier sur la montagne. Le film repose donc sur ce fond mais nous avons décidé, aux vues de la performance des acteurs, de ne pas expliciter ce problème social. Il est là comme une sorte de présence sourde, et c'est à chacun de le recevoir. Notre ambition était de faire un film dont personne ne peut donner la signification, puisqu'elle est différente pour chacun.


    Connexion française : Il y a justement une très belle distribution dans ce film, avec des acteurs très éclectiques, de milieux différents, certains grands noms, d'autres en devenir... Comment fait-on pour réunir un tel panel d'artistes autours d'un tel projet ?


    Benoît Delépine : Ce sont des gens dont nous nous sentons proches, même si nous ne les connaissions pas tous forcément. Au départ, nous avons envoyé un script sans dialogue, d'une trentaine de pages, avec les photos des gens que nous voulions avoir dans le film. Ce sont des personnes sur lesquelles nous avions réellement flashé et, à une exception près, tout le monde a dit oui. C'est formidable ! Par exemple la chanteuse Rokia Traoré, que nous avions remarquée lors d'un festival. Nous lui avons proposé Avida, elle a vu le DVD de notre premier film, Aaltra, et elle a accepté. Elle nous a fait, en plus, un cadeau extraordinaire : sa première chanson, qu'elle a retrouvée dans une valise. Pour Claude Chabrol également nous avons eu cette sorte de « flash à distance ». Nous lui avons envoyé le script d'Avida et un exemplaire d'Aaltra. Comme il n'avait pas de lecteur DVD, nous lui en avons envoyé un. Il a regardé le film et il nous a dit « Faites moi faire tout ce que vous voulez ». Pour tous nos acteurs cela s'est passé ainsi, de façon magique.


    Connexion française : Au-delà du fond du film, on remarque une grande recherche esthétique dans la manière dont il est tourné. Est-ce que vous visiez la performance artistique à travers Avida ?


    Benoît Delépine : Etonnamment ce n'était pas notre but, puisque nous nous concentrons principalement sur les gens. Ce qui nous importe, c'est ce qu'ils donnent à l'image. Nous savons que ce que les acteurs ont à nous offrir se fera en une fois, et nous privilégions le plan fixe. C'est, en fait, un dispositif pour mettre les gens à l'aise. Bien entendu, cela nécessite que l'image soit particulièrement travaillée. Nous nous appliquons donc beaucoup sur le cadre. Mais si le film a cette démarche esthétique c'est aussi parce qu'il parle de peinture : nous avons choisi le format carré parce que nous partons de la fenêtre d'une cellule pour finir sur l'image d'un tableau ayant a peu près les mêmes dimensions. L'idée résidait donc dans une volonté esthétique d'arriver à s'en sortit par l'art et la peinture.


    Connexion française : Vous présentez Avida dans un festival international parce que vous pensez que c'est un film qui a vocation à s'exporter ?


    Benoît Delépine : En réalité je n'en sais rien du tout. Aaltra s'était bien exporté, dans une douzaine de pays, au sein de petites distributions. Les belges en particulier ont pris beaucoup de copies. Ils n'auraient pas dû, d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas eu le retour escompté... Il y a eu également quelques copies ici en Allemagne, ainsi qu'en Roumanie. J'aime bien cette idée, plus économique d'ailleurs, qu'il n'y ait que quelques exemplaires qui tournent dans un pays. Cela correspond mieux à l'image du film. Concernant Avida, je ne sais vraiment pas s'il va être bien accueilli internationalement, parce que c'est un film tellement barré ! Je suis incapable de répondre mais ce qui est sûr, c'est que c'est très intéressant pour nous d'aller dans ces festivals. Cela nous permet de nous retrouver, Gustave Kervern et moi, d'observer la réaction du public par rapport au film et de prendre des idées pour le prochain. Nous avons tout à y gagner.


    Connexion française : Pour terminer, quel souvenir garderez-vous de ce séjour en Allemagne ?


    Benoît Delépine : Il m'est difficile de répondre parce que nous venons juste d'arriver à Tübingen. C'est vraiment une très jolie ville. On m'a dit qu'elle était une miraculée de la seconde guerre mondiale ; c'est étonnant... Sinon il y a cette petite dame qui passe devant moi avec un déambulateur, c'est tout à fait charmant !


     


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